
Introduction
Pour la réalisation d’un timbre en taille-douce, le processus est le suivant : un dessinateur (qui peut être ou pas le graveur) produit une maquette. Après l’acceptation de cette dernière par l’administration, la maquette est reproduite photographiquement sur une plaque d’acier doux (de dimensions 70 mm sur 80 mm en général) sensibilisée photographiquement (une sorte de procédé daguerréotype), au format exact du timbre et à l’envers.
L’imprimerie des timbres poste fournit cette plaque au graveur qui se sert de la photographie pour réaliser le poinçon original à l’aide de burins calibrés (un burin est une petite barre d’acier carrée ou losangée, biseautée à une extrémité et emmanchée à l’autre dans une poire de buis) qui lui permettent de graver en creux tous les éléments de la représentation en enlevant des copeaux. Le graveur utilise une loupe binoculaire qui permet la perception en relief de la gravure. La taille-douce donne des nuances de gris selon la profondeur des creux et la proximité entre ceux-ci.
La réalisation des épreuves d’état ou d’atelier à partir du poinçon nécessite l’emploi d’une presse particulière, appelée presse à bras, composée d’une table maintenue par des piliers de bois et agrémentée d’un plateau mobile placé entre deux cylindres de bois, dont le mouvement est donné par un volant actionné par l’imprimeur.
La plaque de cuivre ou d’acier doux doit être encrée entièrement avec une encre grasse et souple, mais non liquide. L’imprimeur fait pénétrer l’encre dans les creux (ou tailles) avec un tampon de chiffon, la plaque étant posée sur un réchaud pour que la chaleur assouplisse l’encre. Puis l’imprimeur essuie, d’abord avec des chiffons, puis avec la paume de la main, toute l’encre qui est à la surface de la plaque, ne laissant subsister que celle qui est dans les tailles. Ensuite, il pose la plaque, gravure vers le haut, sur le plateau mobile de la presse, la recouvre d’une feuille de papier préalablement humidifié pour la rendre plus souple et « amoureuse » de l’encre, dispose les langes de feutre par-dessus le tout, et actionne la presse. Le plateau se déplace, et la plaque passe sous le cylindre supérieur qui exerce une énorme pression, forçant les langes à pousser le papier qui va chercher l’encre au fond des tailles.
Épreuves d’état
Lors de l’élaboration de son poinçon, l’artiste réalise en général plusieurs épreuves pour vérifier son travail et, éventuellement, y apporter des modifications. C’est ce que l’on nomme les épreuves d’état. Ces épreuves sont imprimées en noir, sur du papier bristol plus ou moins épais, directement par l’artiste lui-même sur sa propre presse à bras. Il faut noter que la plaque d’acier doux laisse sur le papier une empreinte appelée cuvette.
Pierre Béquet imprima deux épreuves pour la Marianne de Béquet sur sa presse personnelle :
- l’une en cours de gravure, montrant l’avancement du poinçon avant la gravure du fond :
- l’autre avec le poinçon terminé et la signature ébauchée :
agrandissement de la signature de l’épreuve d’état (qui n’est qu’ébauchée)
Poinçon du timbre
Le poinçon terminé est visible à l’Adresse Musée de la poste :

Épreuves d’artiste
Une épreuve du poinçon original (très souvent appelée improprement épreuve d’artiste alors que l’on devrait parler d’épreuve d’atelier) fut réalisée à l’Imprimerie des timbres-poste et des valeurs fiduciaires (I.T.V.F.), avec les sceaux et inscriptions imprimés à sec ; on peut voir ci-dessous une épreuve d’artiste en rouge et une épreuve d’artiste en noir :

- le cachet à sec de l’I.T.V.F. en bas à gauche ;
- une marque à sec à tête de Marianne, en haut à gauche ;
- une marque à sec avec les mots IMPRIMERIE DES TIMBRES-POSTE- PARIS, sur la droite ;
- le filigrane du papier utilisé avec le nom du fournisseur du papier, vers le haut ;
- un agrandissement de la signature de Pierre Béquet, qui montre qu’elle est dans le même état que sur l’épreuve d’état, c’est-à-dire à peine ébauchée, en bas à gauche du timbre.
D’après le site Die Proofs de Giorgio Leccese et les informations privées fournies par un ancien imprimeur, il y aurait 21 ou 23 épreuves d’artiste réalisées depuis qu’elles sont produites sous le contrôle de l’Atelier de Fabrication des timbres-poste, en 1961 (21 si le dessinateur est également le graveur, 23 sinon). Cependant, ces chiffres n’ont jamais été confirmés officiellement. De plus, ce nombre d’épreuves se décompose de la manière suivante : 6 épreuves en noir (ou 8, si 23 sont réalisées) et 3 épreuves pour chacune des cinq autres couleurs utilisées, couleurs qui sont choisies par l’imprimeur réalisant les épreuves. Pour le timbre 0,50F Marianne de Béquet, je connais une épreuve en rouge, une en noir et une en bleu.
Essais de couleur
L’administration a l’habitude de réaliser des essais de couleur avant de lancer l’impression des feuilles qui seront commercialisées. Pour le 0,50F Marianne de Béquet, huit tirages d’essais de couleur sont connus. Ils ont tous été réalisés le 23.11.70 sur la presse TD6-1 ; voici le bas de feuille de l’un de ces tirages :

Au survol de cette image avec la souris, on fait apparaître un agrandissement du bas de feuille montrant les indications au crayon portées sur ce bas de feuille.
Les indications figurant sur ce bas de feuille fournissent les couleurs utilisées pour réaliser ces essais : on trouve ainsi, de gauche à droite, BBR4SA (un BRun), MBL5SA (un BLeu) et HRO5SA (un ROuge). La première lettre de chaque paquet indique quel est l’encrier contenant l’encre de couleur correspondante (B pour l’encrier du bas, M pour celui du milieu et H pour celui du haut). Enfin, les deux dernières lettres (SA) de chaque paquet sont les initiales de SICPA, le fabricant de l’encre utilisée.
On peut noter que c’est une telle feuille d’essais qui a servi de bon à tirer pour le timbre Marianne de Béquet à 0,50 F :

Feuilles annulées
Pour terminer ce tour d’horizon sur la genèse du timbre 0,50F Marianne de Béquet, je voudrais montrer l’autre bout de la chaîne : un bas de feuille du 18.6.74 annulé pour mise au rebut à l’aide d’une « roulette oblitérante auto-encreuse comportant un quadrillage d’impression en matière plastique capable d’annuler en une seule fois les feuilles du format minimum. » (cette phrase est extraite de la circulaire du 3 juin 1961 relative à l’annulation des figurines d’affranchissement retirées du service qui a créé cette oblitération réservée aux recettes principales des postes).